Non résident - fiscalité des expatriés

A propos de l’arrêt du Conseil d’Etat du 16 mars 2016 (n°383335) – Non résident

Les avocats en charge des intérêts de salariés expatriés rappellent régulièrement à leurs clients qu’il n’y a aucune automaticité entre le fait de passer plus de 183 jours à l’étranger et le fait d’être non résident fiscal de France.

Cet arrêt du Conseil d’Etat illustre parfaitement la positon constante des juridictions françaises sur cette question : le nombre de jours passés par un contribuable en France et à l’étranger n’est qu’un critère accessoire pour déterminer s’il est résident ou non résident fiscal en France.

Des contribuables russes séjournant principalement en Russie et se considérant non résident en France

Les contribuables redressés, de nationalité russe, séjournaient principalement à l’étranger, et notamment en Russie où ils disposaient d’un logement. Ils exerçaient en Russie des activités économiques, politiques, militaires et associatives (dont l’ampleur et la nature précises n’ont pas été établies au cours de la procédure).

Ils disposaient de cartes de résident en France et étaient locataires d’un appartement à Neuilly-sur-Seine, dans lequel vivait leur enfant mineur, scolarisé en France. Les contribuables n’exerçaient pas d’activité professionnelle en France mais recevaient régulièrement sur leurs comptes bancaires français d’importantes sommes d’argent en provenance de l’étranger.

Dans la mesure où ils séjournaient principalement hors de France (plus de 183 jours par an), ils se considéraient non résidents fiscaux et ne déposaient pas de déclaration des revenus en France. Suite à un examen de leur situation fiscale par l’administration, ils ont été considérés résidents fiscaux de France et redressés en conséquence.

Cette affaire permet de faire le point sur la méthode utilisée par les juridictions françaises pour déterminer si une personne est résidente ou non résidente fiscale.

L'application du droit français :

En droit français (article 4 B du Code général des impôts), est considéré comme ayant son domicile fiscal en France toute personne qui remplit l’une des conditions suivantes :

– avoir en France son foyer ou le lieu de son séjour principal ;

– exercer en France son activité professionnelle principale ;

– avoir en France le centre de ses intérêts économiques.

Le Conseil d’Etat rappelle que « le foyer s’entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu’il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles« .

Dans la mesure où le fils mineur des contribuables résidait de manière permanente en France et y était scolarisé, les juridictions françaises ont considéré que les contribuables y avaient le centre de leurs intérêts familiaux, et donc leur foyer.

Ils étaient donc, en application du droit français, résidents fiscaux de France bien que passant plus de 183 jours par an à l’étranger.

La convention fiscale franco-russe

Afin d’écarter leur statut de résident fiscal de France, les contribuables ont invoqué la convention fiscale franco-russe en soutenant qu’ils devraient être considérés résidents fiscaux en Russie et non en France. Cette convention bilatérale prévoit en effet que lorsqu’une personne est à la fois considérée résidente fiscale en France et en Russie selon la législation interne de chacun des deux pays:

« a) Cette personne est considérée comme un résident (fiscal) de l’Etat où elle dispose d’un foyer d’habitation permanent ; si elle dispose d’un foyer d’habitation permanent dans les deux Etats, elle est considérée comme un résident de l’Etat avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ;

b) Si l’Etat où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d’un foyer d’habitation permanent dans aucun des Etats, elle est considérée comme un résident de l’Etat où elle séjourne de façon habituelle ; »

L'interprétation de la convention fiscale

Les juridictions françaises devaient donc déterminer en premier lieu dans quel pays les contribuables avaient leur foyer d’habitation permanent. Dans la mesure où les contribuables disposaient de logements à leur disposition à la fois en France et en Russie, ils ont été considérés comme ayant un foyer d’habitation permanent dans chacun des deux pays.

La Cour d’appel de Versailles et le Conseil d’Etat ont donc dû déterminer en second lieu avec lequel des deux Etats ces contribuables avaient les liens personnels et économiques plus étroits (le « centre de leurs intérêts vitaux »).

Les juridictions françaises ont considéré que le centre de leurs intérêts vitaux se trouvait en France, en se fondant notamment sur le fait que l’enfant mineur résidait de façon permanente en France et y était scolarisé. Les contribuables ont donc été considérés résidents fiscaux de France, et soumis comme tels à l’obligation de déclarer leurs revenus de source française et de source étrangère.

Ce n’est que s’il n’avait pas été possible de déterminer dans quel pays les contribuables avaient le centre de leurs intérêts vitaux (parce que leurs liens personnels et économiques auraient été aussi étroits avec la Russie qu’avec la France) que le nombre de jours passés en France et en Russie aurait été utilisé, en troisième lieu, pour trancher ce conflit de résidence fiscale.

La durée du séjour à l'étranger : Un critère secondaire pour déterminer la résidence fiscale

Il ressort donc de cet arrêt que la situation familiale des contribuables et nomment la scolarisation de leur enfant en France a joué un rôle déterminant dans l’appréciation de leur résidence fiscale. L’importance et la fréquence des séjours à l’étranger n’ont en revanche qu’une place subsidiaire pour apprécier si un contribuable est résident ou non résident.

Les contribuables passant plus de 183 jours par an à l’étranger, et se considérant de ce fait non résidents fiscaux en France, devraient donc analyser plus en détail leur situation, au regard notamment de leur contexte familial et du critère du centre des intérêts vitaux.