Avocat - expatriation - convention fiscale franco-libanaise

De nombreux contribuables franco-libanais se sentent libérés de leurs obligations fiscales vis-à-vis de la France parce qu’ils résident la majeure partie de l’année au Liban. Leurs amis, ou des amis d’amis, leur ont assuré qu’à partir du moment où ils passaient plus de 183 jours par an au Liban, ils n’étaient plus « résidents fiscaux » en France et, par conséquent, plus imposables en France.

Ce n’est pas aussi simple, loin de là.

D’une part, le fait d’être non résident fiscal de France ne dispense pas de l’obligation de déclarer et de payer l’impôt  en France sur les « revenus de source française » (principalement les revenus fonciers tirés de la location d’un bien immobilier situé en France et les revenus professionnels perçus en contrepartie d’une activité exercée physiquement en France).

D’autre part, être certain d’échapper au statut de résident fiscal de France exige une meilleure connaissance de la législation fiscale française, de la convention fiscale franco-libanaise et tout particulièrement de son article 2, généralement mal interprété.

 

La législation fiscale française

La France considère comme résident fiscal en France toute personne qui remplit l’une des trois conditions suivantes (article 4B du CGI) :

  • Avoir en France son foyer d’habitation, c’est-à-dire le lieu où le contribuable ou sa famille proche (conjoint et enfants) habite normalement, ou, si le contribuable ne dispose pas de foyer d’habitation, avoir en France le lieu de son séjour principal ;
  • Exercer en France son activité professionnelle principale ;
  • Avoir en France le centre de ses intérêts économiques, c’est-à-dire que la majorité de ses revenus soit de source française.

Il suffit de remplir l’une de ces conditions pour que la France vous considère résident fiscal de France et vous soumette comme tel à une obligation fiscale illimitée, c’est-à-dire que vous devez y déclarer l’ensemble de vos revenus, de source française et de source étrangère.

On constate que ces critères de détermination de la résidence sont très étendus, ce qui témoigne de la volonté d’appréhender largement les revenus des contribuables qui ont un lien professionnel, personnel ou patrimonial avec la France.

Dans la mesure où la plupart des Etats ont également des critères de résidence assez étendus, il peut arriver qu’un même contribuable soit considéré résident fiscal par deux Etats, ce qui pourrait conduire à une double imposition.

Pour éviter de telles situations, le Liban et la France ont signé le 24 juillet 1962 une convention bilatérale tendant à éviter les double impositions et permettant de déterminer de quel Etat un contribuable est résident quand celui-ci remplit les conditions de résidence des deux Etats.

 

La convention fiscale franco-libanaise

L’article 2.2 de cette convention prévoit que lorsqu’un contribuable est considéré résident fiscal par chacun des Etats, seul l’Etat dans lequel il a le centre de ses intérêts vitaux (c’est-à-dire l’Etat avec lequel ses relations personnelles et professionnelles sont les plus étroites) pourra le considérer « résident fiscal ».

Si ce critère du centre des intérêts vitaux ne permet pas de trancher en faveur de l’un ou l’autre des Etats, le contribuable sera considéré résident fiscal de l’Etat sur le territoire duquel il séjourne le plus longtemps.

Sur ce fondement, de nombreux contribuables partagés entre la France et le Liban considèrent que dès lors qu’ils ont au Liban le centre de leurs intérêts vitaux ou qu’ils séjournent plus longtemps au Liban qu’en France, il sont automatiquement résidents fiscaux libanais et par conséquent non résidents fiscaux de France. Ces contribuables s’affranchissent donc de l’obligation fiscale illimitée des résidents fiscaux de France.

Cette conclusion est pourtant trop hâtive.

 

L'interprétation de la convention fiscale franco-libanaise

L’article 2.1 de la convention franco-libanaise réserve son application aux contribuables considérés résidents fiscaux des deux Etats. Or, résider au Liban, notion civile, ne permet pas nécessairement d’être considéré résident fiscal libanais au sens de la convention.

Tel qu’interprété par les juridictions françaises, être résident fiscal d’un Etat suppose d’y être assujetti à l’impôt sur l’ensemble des revenus et non seulement sur les seuls revenus de source libanaise.

Dès lors, le contribuable partagé entre la France et le Liban, tirant l’essentiel de ses revenus de France mais résidant au Liban et n’y payant de l’impôt que sur ses revenus libanais, ne pourrait donc pas se retrancher derrière la convention fiscale pour écarter son statut de résident fiscal de France.

Il risque fort, s’il fait l’objet d’un contrôle et d’un redressement, de ne pouvoir s’opposer à l’imposition en France de ses revenus mondiaux sur les années non prescrites (3 ans) et de se voir appliquer pénalités et intérêts de retard. Il risque également un redressement au titre de l’impôt sur la fortune.

C’est cette mésaventure que connut un contribuable, possédant un domicile en France comme au Liban, mais qui, ne payant au Liban de l’impôt que sur ses revenus de source libanaise, ne fût pas admis à se prévaloir de la qualité de résident fiscal libanais au sens de l’article 2.1 de la convention et ne pût donc écarter sa qualification de résident fiscal de France, valablement établie en droit interne français (CAA Paris, 7ème chambre, 25 mars 2011 N° 09PA04347).

 

La sécurisation du statut fiscal

Il est nécessaire, dans une telle situation, de parvenir à déclarer au Liban ses revenus de source mondiale pour pouvoir s’assurer de l’applicabilité de la convention fiscale franco-libanaise et de se protéger ainsi du statut de résident fiscal de France.

Ce ne sera pas chose aisée car le système fiscal libanais, basé sur la retenue à la source de l’impôt, n’impose pas le dépôt d’une déclaration annuelle des revenus comme en France. Les revenus de source étrangère, n’étant pas soumis à la retenue à la source libanaise, échappent en pratique à l’impôt.

Il conviendra donc de déposer spontanément une déclaration spécifique chaque année dans laquelle seront reportés les revenus  perçus à l’étranger au cours de l’année précédente (notamment les pensions et les revenus de capitaux mobiliers).

Cette formalité, et le paiement de l’impôt correspondant, permettront au contribuable d’être en mesure de justifier de leur statut de résident fiscal libanais et donc de non résident fiscal de France, ce qui, dans certains dossiers, peut s’avérer être un excellent investissement.